MOURIR POUR RWASA
David NDAGANO
14.05.2020
Un certain nombre de Tutsi, en ces temps de campagne violente des élections, s’est donné corps et âme pour le CNL. Certains y ont même déjà laissé la vie. Roza Hakizimana a plaidé publiquement et sans retenue pour Rwasa Agathon, Keza k’Imana est en prison pour la même cause, un syndicaliste Tutsi de Cankuzo, militant du parti de Rwasa, est porté disparu pour ça, et beaucoup d’autres ! Daniel Kabuto, ainsi qu’un autre Monsieur établi en Europe d’après ses dires, ne tarissent pas d’émotions et d’éloges pour Keza, qu’ils ont déjà élevée au Panthéon des héros du changement.
Mais de quel changement s’agit-il ? Qui est ce Rwasa Agathon pour qui les Tutsi sont en train de mourir aujourd’hui ? Chaque Tutsi sérieux doit absolument se poser au moins cette question, avant de se laisser embarquer par les foules qui accourent sur les stades, avant de « hurler avec les loups » ! Moi qui rédige ces lignes, j’avoue ne pas connaître personnellement Rwasa, je ne sais que ce qui est intéressant de savoir en ce qui me concerne et dans le contexte présent. Ses « hauts faits d’armes » que le Tutsi ne peut, ne doit pas ignorer sans risquer de trahir la mémoire des milliers d’innocents, sont pour le moins effrayants. Jugez-en :
1°. En 1988, aux côtés de Gahutu et de Karatasi notamment, Rwasa étaient un acteur de premier plan dans le génocide des Tutsi de Ntega en Province de Kirundo et Marangara en Province Ngozi ( 18 000 morts recensés);
2°. En 1993 jusqu’en 2006, c’est Rwasa à la tête du PALIPEHUTU- FNL, qui a conduit le génocide des Tutsi aux côtés du CNDD-FDD de Nkurunziza, d’abord par un massacre de masse (plus de 300 000 tués), puis à travers des embuscades sur les grands axes de circulation du pays, dans les écoles d’enfants (Buta par exemple) et dans les lieux de travail (Teza par exemple), avec toutes sortes de tortures et de viols suivis d’assassinats atroces après avoir cyniquement pris des rançons sur les ayants-cause de leurs victimes. Sur ce sujet, sauf une amnésie profonde qu’il conviendrait alors de traiter en urgence, Rose Hakizimana devrait se souvenir encore tout de même des siens de Bugendana fauchés dans leur sommeil en 1996 par le PALIPEHUTU-FNL / CNDD-FDD, et logiquement modérer quelque peu ses ardeurs pour le CNL et pour Rwasa ;
3°. C’est le PALIPEHUTU-FNL de Rwasa, allié aux Interahamwe et aux Maï-Maï, qui a organisé et exécuté l’extermination publiquement assumée (cfr revendication de l’attaque par le porte-parole du FNL d’alors, Pasteur Habimana) des Banyamurenge Batutsi réfugiés à Gatumba, faisant en seulement 2 heures de la nuit du vendredi 13 août 2004, plus de 248 morts Tutsi et Tutsikazi, femmes et enfants en majorité, et une centaine de blessés graves ;
4°. Chacun se rappelle de l’acharnement avec lequel ce même Agathon Rwasa s’est battu tout récemment en 2006, lors de la légalisation et de l’enregistrement de son parti, pour conserver le nom évocateur de « PALIPEHUTU ». Tout un symbole !
5°. Rwasa, Président du parti d’opposition FNL en 2015, apprenant que Nkurunziza débutait son programme de génocide des Tutsi, a sans doute « approuvé » puisqu’il a aussitôt fait taire ses revendications pour rejoindre le Parlement fantoche et se terrer, laissant même ses militants sur le carreau et légitimant ainsi du même coup un pouvoir abhorré par le monde entier !
Je m’en arrête là et je pose une autre question tout aussi cruciale : Est-ce que Keza k’Imana, Rose Hakizimana, Daniel Kabuto et tous ces autres, ont-ils obtenu, avant de s’exposer pour le CNL, les garanties nécessaires que Rwasa va renoncer à son projet maintes fois affiché d’extermination des Tutsi ? Si la réponse est non, nous sommes en droit de croire que les Tutsi qui s’engagent dans ce tumulte électoraliste ne le font que pour leur compte, en se foutant du sort de leur communauté d’origine. Rien n’exclut en effet que Rwasa, s’il était élu demain, puisse devenir par exemple un monstre génocidaire pur que Nkurunziza avec qui il partage par ailleurs un lourd passé criminel. Rien n’excnut non plus que Keza par exemple devienne une autre Eveline Butoyi ou une autre Mwidogo du CNL, qui n’hésitera pas à nous poignarder dans le dos comme ces dernières au CNDD-FDD, préoccupée uniquement de conserver son strapontin au Parlement ou ailleurs dans le système !
Les Tutsi doivent par les temps qui courent rester extrêmement prudents et maîtriser leurs émotions pour ne pas commettre les mêmes erreurs du passé. Ces élections organisées dans l’illégalité et le fait accompli, qui éliminent de fait le citoyen Tutsi de la compétition, ne devraient pas les concerner. Ils doivent rester à l’écart de l’agitation actuelle et éviter d’exposer inutilement leur vie. S’ils étaient obligés, par quelque contrainte que ce soit, de se présenter aux urnes, voter l’ « abstention » serait le message le plus expressif de la condition des Tutsi. Cependant, s’il fallait absolument choisir entre Ndayishimiye et Rwasa, ce dernier serait préféré au motif, non pas qu’il incarne le changement car rien n’est moins certain, mais pour seulement « changer de décors » aux institutions actuelles et (qui sait ?), espérer que Rwasa, une fois élu, acceptera de négocier avec les Tutsi réellement représentatifs un pacte nouveau de cohabitation pacifique !
David NDAGANO
14 / 05 / 2020
14.05.2020
Un certain nombre de Tutsi, en ces temps de campagne violente des élections, s’est donné corps et âme pour le CNL. Certains y ont même déjà laissé la vie. Roza Hakizimana a plaidé publiquement et sans retenue pour Rwasa Agathon, Keza k’Imana est en prison pour la même cause, un syndicaliste Tutsi de Cankuzo, militant du parti de Rwasa, est porté disparu pour ça, et beaucoup d’autres ! Daniel Kabuto, ainsi qu’un autre Monsieur établi en Europe d’après ses dires, ne tarissent pas d’émotions et d’éloges pour Keza, qu’ils ont déjà élevée au Panthéon des héros du changement.
Mais de quel changement s’agit-il ? Qui est ce Rwasa Agathon pour qui les Tutsi sont en train de mourir aujourd’hui ? Chaque Tutsi sérieux doit absolument se poser au moins cette question, avant de se laisser embarquer par les foules qui accourent sur les stades, avant de « hurler avec les loups » ! Moi qui rédige ces lignes, j’avoue ne pas connaître personnellement Rwasa, je ne sais que ce qui est intéressant de savoir en ce qui me concerne et dans le contexte présent. Ses « hauts faits d’armes » que le Tutsi ne peut, ne doit pas ignorer sans risquer de trahir la mémoire des milliers d’innocents, sont pour le moins effrayants. Jugez-en :
1°. En 1988, aux côtés de Gahutu et de Karatasi notamment, Rwasa étaient un acteur de premier plan dans le génocide des Tutsi de Ntega en Province de Kirundo et Marangara en Province Ngozi ( 18 000 morts recensés);
2°. En 1993 jusqu’en 2006, c’est Rwasa à la tête du PALIPEHUTU- FNL, qui a conduit le génocide des Tutsi aux côtés du CNDD-FDD de Nkurunziza, d’abord par un massacre de masse (plus de 300 000 tués), puis à travers des embuscades sur les grands axes de circulation du pays, dans les écoles d’enfants (Buta par exemple) et dans les lieux de travail (Teza par exemple), avec toutes sortes de tortures et de viols suivis d’assassinats atroces après avoir cyniquement pris des rançons sur les ayants-cause de leurs victimes. Sur ce sujet, sauf une amnésie profonde qu’il conviendrait alors de traiter en urgence, Rose Hakizimana devrait se souvenir encore tout de même des siens de Bugendana fauchés dans leur sommeil en 1996 par le PALIPEHUTU-FNL / CNDD-FDD, et logiquement modérer quelque peu ses ardeurs pour le CNL et pour Rwasa ;
3°. C’est le PALIPEHUTU-FNL de Rwasa, allié aux Interahamwe et aux Maï-Maï, qui a organisé et exécuté l’extermination publiquement assumée (cfr revendication de l’attaque par le porte-parole du FNL d’alors, Pasteur Habimana) des Banyamurenge Batutsi réfugiés à Gatumba, faisant en seulement 2 heures de la nuit du vendredi 13 août 2004, plus de 248 morts Tutsi et Tutsikazi, femmes et enfants en majorité, et une centaine de blessés graves ;
4°. Chacun se rappelle de l’acharnement avec lequel ce même Agathon Rwasa s’est battu tout récemment en 2006, lors de la légalisation et de l’enregistrement de son parti, pour conserver le nom évocateur de « PALIPEHUTU ». Tout un symbole !
5°. Rwasa, Président du parti d’opposition FNL en 2015, apprenant que Nkurunziza débutait son programme de génocide des Tutsi, a sans doute « approuvé » puisqu’il a aussitôt fait taire ses revendications pour rejoindre le Parlement fantoche et se terrer, laissant même ses militants sur le carreau et légitimant ainsi du même coup un pouvoir abhorré par le monde entier !
Je m’en arrête là et je pose une autre question tout aussi cruciale : Est-ce que Keza k’Imana, Rose Hakizimana, Daniel Kabuto et tous ces autres, ont-ils obtenu, avant de s’exposer pour le CNL, les garanties nécessaires que Rwasa va renoncer à son projet maintes fois affiché d’extermination des Tutsi ? Si la réponse est non, nous sommes en droit de croire que les Tutsi qui s’engagent dans ce tumulte électoraliste ne le font que pour leur compte, en se foutant du sort de leur communauté d’origine. Rien n’exclut en effet que Rwasa, s’il était élu demain, puisse devenir par exemple un monstre génocidaire pur que Nkurunziza avec qui il partage par ailleurs un lourd passé criminel. Rien n’excnut non plus que Keza par exemple devienne une autre Eveline Butoyi ou une autre Mwidogo du CNL, qui n’hésitera pas à nous poignarder dans le dos comme ces dernières au CNDD-FDD, préoccupée uniquement de conserver son strapontin au Parlement ou ailleurs dans le système !
Les Tutsi doivent par les temps qui courent rester extrêmement prudents et maîtriser leurs émotions pour ne pas commettre les mêmes erreurs du passé. Ces élections organisées dans l’illégalité et le fait accompli, qui éliminent de fait le citoyen Tutsi de la compétition, ne devraient pas les concerner. Ils doivent rester à l’écart de l’agitation actuelle et éviter d’exposer inutilement leur vie. S’ils étaient obligés, par quelque contrainte que ce soit, de se présenter aux urnes, voter l’ « abstention » serait le message le plus expressif de la condition des Tutsi. Cependant, s’il fallait absolument choisir entre Ndayishimiye et Rwasa, ce dernier serait préféré au motif, non pas qu’il incarne le changement car rien n’est moins certain, mais pour seulement « changer de décors » aux institutions actuelles et (qui sait ?), espérer que Rwasa, une fois élu, acceptera de négocier avec les Tutsi réellement représentatifs un pacte nouveau de cohabitation pacifique !
David NDAGANO
14 / 05 / 2020