REVUE DE BURUNDI 1972. MASSACRE DES TUTSIS DANS LE SUD. SOUVENIRS ET TEMOIGNAGES de NOVAT NINTUNZE (Editions Iwacu, 2019, 212 pages)
[Available in English]
Par Emmanuel Nkurunziza,
Toronto, Ontario.
Ce livre de Novat Nintunze témoigne du génocide qui a frappé les Tutsi du Burundi en 1972, en mettant un accent particulier sur le sud du pays. Burundi 1972 ressemble à une série de fragments, mais qui gardent de liens très solides entre eux. Il faut souligner dès le départ que cette structure génère beaucoup de répétitions, chose tout à fait comprehensible puisque la repetition fait partie des caractéristiques du témoignage et de la transmission de la mémoire.[1] Ainsi, comme le livre de Nintunze compte pas moins de douze témoignages oraux, il est normal qu’elle y soit utilisée assez extensivement. Il nous faut mentionner également la diversité des personnages (les victimes comme les auteurs des attrocités) dont se sert l’auteur de Burundi 1972 dans cette contribution à l'écriture de l'histoire du Burundi.
Les Tutsi comme victimes désignées
Eu égard aux victimes, il est essentiel de souligner que ce le livre explique sans équivoque d'où elles tirent ce statut: elles sont la cible du génocide qui visait à effacer les Tutsi de la surface de la terre. Burundi en 1972 Massacre des Tutsis dans le Sud. Souvenirs et Témoignage[2] ne se limite pas cependant à ces victimes désignées, il parle aussi d’une sous-catégorie qui a été ciblée en particulier : celle des Abashingantahe.[3] Le livre montre en outre la nature transfrontalière du génocide contre ce peuple, notamment avec l'exemple des Tutsi de Tanzanie qui ont été tués aux côtés de leurs congénères burundais (152).[4]
Parmi les détails tout aussi significatifs qu’insoupçonnés qui démontrent la victimisation de la communauté, se trouvent le ciblage des vaches et la cruauté qui l’accompagne lors de la tuerie de 1972 (152). Même si l’auteur de Burundi 1972 semble s’être abstenu de développer le lien lyrique entre le peuple tutsi et son bétail, c’est un fait indéniable que dans les tragédies ultérieures, notamment celles d’octobre 1993 et dans les années qui ont suivi, on a observé encore plus de cruauté envers ces animaux qu’une certaine opinion perçoit à tort ou à raison comme symbole de ce groupe social. Pour quiconque connaît la relation entre les Tutsi et les vaches, il est impossible de ne pas noter cette réserve observée dans la discussion de ce symbole presque conventionnel de la «tutsité».[5]
La catégorie de victimes comprend également ce que la terminologie courante appellerait “dommages collatéraux” du génocide tutsi de 1972. Il s’agit de ces membres de l’ethnie hutu qui ont été tués par leurs congénères pour ne pas avoir participé au massacre de leurs voisins tutsi. En effet, depuis le début des tueries, des Hutu ont été tués parce qu'ils avaient refusé de tuer les Tutsi. Fort ironiquement, cependant, il y a des Hutu dans ce groupe bien précis ayant refusé au départ de participer dans la campagne de liquidation des paysans tutsi, qui ont cédé à la pression qu’ils subissaient de la part de leurs congénères, comme s’ils avaient finalement eu doutes quant à la justesse de leur choix, pour finir par prendre une part active dans le massacre (114).
Les tueurs et leurs adjuvants
Il ne peut y avoir de crime sans auteur; ne serait-ce que pour cela, il s’en faut beaucoup parler des assassins et de leurs assistants tels qu’ils se présentent dans Burundi 1972. Une des choses qui sont particulièrement bien présentées dans ce livre est la documentation de l’identité des auteurs des atrocités vieilles de près de cinquante ans; c’est, à n’en point douter, un des principaux apports de ce livre. Il faut noter en passant que cette identification va à l’encontre de la rhétorique actuellement en vogue chez certains groupes qui se veulent amis de la mémoire mais qui encouragent les gens à ne pas mentionner les auteurs des tueries, et encore moins, à faire allusion à la moindre réparation.[6] Bien que cela puisse paraître contraire à la rhétorique du pardon, cet aspect de Burundi 1972 c’est ce qui devrait être considéré comme la clé de voûte de la contribution unique du livre de Nintunze à l’écriture de l’histoire du pays (quod vid). On pourrait peut-être en déduire que la disponibilité de détails sur l'identité des tueurs provient du fait que la plupart d'entre eux étaient des voisins de leurs victimes potentielles ayant survécu. Il persiste une question qui réclame réponse, cependant: pourquoi n’entend-on presque jamais des soi-disant chercheurs sur ce génocide tutsi de 1972, de details sur les auteurs de ces atrocités?
L’attitude des tueurs
Burundi 1972 fournit beaucoup d’informations sur la manière dont les victimes ont été mises à mort. Outre la machette emblématique de cette campagne d’extermination des Tutsi, les autres techniques utilisées incluent l’incinération des victimes avec des feuilles de bananier séchées (106).
Il y aussi des précisions sur le comportement des assassins et sur leur attitude à l’égard des victimes. Le lecteur ne peut pas ne pas noter le déploiement du cynisme dans sa forme la plus avancée. Par exemple, les victimes ont la “faveur ultime” de choisir la forme de leur mise à mort, à savoir, être découpé en morceaux avec une machette ou se voir jeté dans une maison en flammes (160).[7]
Burundi 1972 est également louable pour sa description de l’arrogance des tueurs quand ils menacent les Tutsi. Le livre comporte des exemples d’expressions (codées et non codées) qui témoignent de l’assurance des auteurs dans la profération de la menace à l’encontre des victimes (119-132).
Burundi 1972 dégage deux types d’acteurs qui peuvent être qualifiés à la fois d’auteurs et de victimes. La première catégorie est constituée des dirigeants du mouvement de jeunesse JRR, que certains ouvrages traitant des tueries de 1972 qualifient de pièce centrale de la répression. Le livre de Nintunze révèlecependant que non seulement il y a des régions entières où la direction de la JRR était composée exclusivement de Hutu mais aussi et surtout, que ce sont ces Hutu membres de la JRR qui coordonnaient la campagne d’extermination des Tutsi (122).
Le deuxième groupe est composé de ceux que l’on peut appeler des “objecteurs de conscience.” En effet, Burundi 1972 rend compte de certains Hutu qui ont d'abord hésité à tuer les Tutsi qui étaient soit leurs amis soit de simples connaissances du voisinage immédiat (103). L’on peut se demander néanmoins s’il est approprié de leur attribuer le prestigieux qualificatif de “justes entre les nations”. En effet, s’il est vrai que certains d’entre eux ont sauvé des vies, il n’est pas moins vrai qu’ils ont fini par retourner à l’odieux exercice de massacre d’innocents (153).[8]
Gentillesse envers les femmes tutsi pour masquer un genrecide
L’analyse des acteurs de Burundi 1972 ne saurait être complète si elle n’invite pas le lecteur à se demander pourquoi certaines Tutsi ont été tués pendant que certains d’entre eux étaient préservées au milieu de cette frénésie de tueries. Tout lecteur du livre de Nintunze notera la caractéristique générale de ces massacres: c’est qu’ils sont dirigés d’abord contre les Tutsi pour la simple raison de leur appartenance ethnique. Cependant, nul lecteur avisé ne peut ignorer le fait que des fois, contredisant complètement leur propre mot d’ordre, les tueurs épargnent parfois des femmes en même temps qu’ils réservaient invariablement aux mâles tutsi une mort atroce.
Au final, au lieu d’être un signe de magnanimité, cette sélection est une méthode sure d’annihiler le groupe ciblé. En effet, dans une société aussi patrilinéaire que la burundaise, la pérénité du clan, de l’ethnie, etc. est assurée par le fils et non par la fille car une fois mariée, la femme adopte le clan de la belle-famille.[9] Si cela peut passer pour une forme atténuée de l’ampleur des tueries, ça ne constitue pas moins un génocide du moment que la tuerie vise l’élimination d’une partie d’un groupe social.[10]
Un livre pour se souvenir et dire sa reconnaissance
Comme on pourrait s’y attendre dans toute autobiographie, Burundi 1972 ramène à la surface des souvenirs dont certains sont bons là où d'autres le sont moins. Des fois, l'auteur insiste un peu plus sur certains d’entreux que sur d’autres. À travers son livre, Novat Nintunze exprime sa reconnaissance envers les bienfaiteurs qui ont considérablement contribué à sa réussite surtout au cours de sa jeunesse (36-7). L’auteur se souvient en outre des événements historiques majeurs, en particulier le massacre perpétré par le CNDD-FDD sur des petit-séminaristes à Buta en 1997 où il avait lui-même fait une partie de sa scolarité deux décennies avant la tragédie (50).
Burundi 1972 touche aussi au succès de la vulgarisation de l’idéologie du génocide contre les Tutsi. Nous y découvrons que la violence à l'encontre de ce peuple a non seulement atteint une ampleur sans précédent, mais également, que les auteurs des atrocités ont atteint un niveau de confiance en soi jusqu’alors inégalé: certains n'hésitent pas à se promener avec des parties du corps sectionnées sur leurs victimes.[11] Et c’est sans surprise que cela a laissé des traces dans le mémoire de plussieurs témoins.
Burundi 1972 étale également l’implication de personnalités religieuses dans les tueries. De manière générale, le livre informe le lecteur de la répartition des différents rôles du projet criminel d’élimination des Tutsi, ce qui, à son tour, met la lumière sur les profondeurs abyssales atteintes par l'adhésion à l'idéologie génocidaire. Dans cette même perspective de la participation de personnalités aussi respectées que les prédicateurs de religion, il convient de souligner le rôle particulier joué par les Protestants dans la sensibilisation à l’entreprise génocidaire. Leur implication a eté limitée aux premières étapes, lesquelles nécessitaient un secret absolu pour que le plan ne soit pas découvert par les services de renseignement burundais. Cependant, si on avait choisi les Protestants pour cette mission, c'est à cause de leur sobriété reconnue de tous. En effet, on avait peur que les religieux de l’Église Catholique dite Romaine ne dévoilent le secret après avoir consommé de l’alcool, un produit dont les Protestants s’abstiennent en général. D’après ce livre de Nintunze, même si les prédicateurs catholiques hutu n’avaient pas été mis au courant du plan secret, ce sont eux qui en ont porté le message à la plupart des meurtriers.
Des clichés reproduits
C’est vrai que Novat Nintunze écrit à partir d’un coin du monde où il est supposé ne subir aucune influence direct de la part des autorités en place au Burundi. Il reste tout aussi vrai que son livre est assez influencé par les discours médiatiques et politiques en vogue dans le monde et dans son pays d’origine. Par exemple, Burundi 1972 reflète par moment l’amalgame déjà fort répandu entre les Tutsi et les Ganwa (pages 44, 64, 89). On devrait noter néanmoins que cet amalgame dure depuis des décennies; c’est ce que montre l'histoire contemporaine du Burundi (du moins la petite partie qui est écrite) nonobstant quelques attaques timides menées par quelques critiques et par certains activistes. La position ambiguë qu’on observe dans le livre de Nintunze tiendrait du fait que, dans toutes les violences qu'a connues le Burundi depuis la reconquête de son indépendance en 1962, les Ganwa sont traditionnellement assimilés aux Tutsi et ont donc toujours été tués aux côtés de membres de ce groupe. Cependant, ces derniers jours, beaucoup de descendants de l’aristocratie ganwa répondent plutôt positivement aux solicitations de la classe dirigeante hutu.
Un apport unique
Le principal apport de Burundi 1972 est celui d’avoir comblé le vide laisse par les grands récits sur le génocide tutsi de 1972. Comme leur dénominateur commun est l’inversion des faits (ils présentent la victime tutsi comme le bourreau et vice versa), compte tenu des données factuelles incontrovertibles qu’il présente, le livre de Nintunze constitue un défi de taille à ces écrits en même temps qu’il oblige à la tendance émergeante d’auteurs de témoignages et de leurs critiques, à le prendre désormais en consideration. Ainsi, Burundi 1972 se démarque des autres livres de la “Collection Témoins” d’Iwacu de par les généalogies que l’on y trouve dans ce livre. Si on le compare par exemple à l’autre biographie publiée chez le même éditeur et présentée pour la première fois au même moment et en présence des deux auteurs, on remarque que ce genre de génálogies est presque inexistant dans ce livre de Kaburahe.[12]
La contribution particulière de Burundi 1972 est qu’il ajoute une des pierres qui manquent à l’édifice en érection qu’est l’écriture de l’histoire du Burundi -- et Dieu seul sait à quel point ce dernier a besoin d’être complété. Bien que les récits présentés dans ce livre fassent partie d’une histoire personnelle composée d’événements que l’auteur a vécus principalement dans sa jeunesse, l’expérience contée s’amarre bien à l’histoire nationale, particulièrement en ce qui concerne la discussion et la référence à des faits macrocosmiques.
En tant que livre produit par un Tutsi et qui plaide une cause (celle d’un peuple visé par le génocide de 1972) qui a failli être submergée par les grands récits, Burundi 1972 se classe dans la catégorie des récits de résistance qui présentent des analyses historiques caractéristiques des conditions idéologiques et matérielles dans lesquelles ils ont été produits.[13] En fait, il ne serait pas exagéré de dire qu’en publiant Burundi 1972 Massacres des Tutsis dans le Sud, un livre sorti dans un contexte de «voix contradictoires qui traduisent la manipulation autoritaire[14] », Novat Nintunze a posé un acte de résistance. De même, Burundi 1972 contribue à la documentation de l’histoire des tueries de 1972 en même temps qu’il aide à élucider la situation d’aujourd’hui. De toutes ces données, il devient une référence historique fiable car il passe le test de crédibilité des témoignages.[15]
Un potentiel insoupconné
Le livre de Nintunze est louable pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il va au delà de l’idéalisation du chez-soi que l’on trouve dans biens d’autobiographies, pour brosser un tableau complet de toute la population de Makamba. Le lecteur y apprend que cette dernière ne se classifie pas uniquement par leur appurtenance ethnique; l’affiliation avec telle ou telle autre religion est un facteur important: c’est parmi les Protestants que l’on compte plus de riches.
D’un point de vue linguistique, l’auteur est à féliciter pour son orthographe des toponymes rundi et pour son traitement des emprunts incorporés dans cette langue. Burundi 1972 prend également soin de présenter correctement les mots rundi formés à base d’anthroponymes. C’est un fait connu, en effet, que l’orthographe de ces derniers cause du fil à retordre à plusieurs utilisateurs de cette langue.[16] Pour un livre qui ne traite pas la langue ou à lalittérature rundi, son orthographe ese de loin meilleur que ce que l’on a l’habitude de lire dans autres productions du genre.
En guise de conclusion
Il serait inexact d'affirmer que Burundi 1972 est sans défaut. Le livre comporte quelques erreurs typographiques dont certaines liées à la mise en page mais aussi à la forme de la langue (comme c'est le cas aux pages 183, 196, etc.). La plupart de ces erreurs sont anodines mais il y en a qui pourraient dérouter un lecteur non averti, comme c’est le cas avec l'identification floue de certains des tueurs de 1972.
En dépit de sa qualité globalement très satisfaisante, notamment en ce qui concerne sa référence explicite aux auteurs des atrocités, il reste un nombre non négligeable de faits significatifs que Burundi en 1972 aurait pu couvrir en peu plus en détails. Au sujet de ces derniers, cependant, ce manquement est loin d'être spécifique au livre de Nintunze. On se doit donc d’être juste envers l’auteur et de reconnaître qu’aucun livre d’histoire ne peut être exhaustif sur un sujet aussi délicat que la guerre.
En somme, le livre de Nintunze contribue à l’écriture de l’histoire longtemps déformée du génocide tutsi de 1972. Et de par son contenu, il participe à l’ élucidation de la situation actuelle à la lumière de ce passé qui refuse toujours de passer. Au lecteur de s’assurer de ne pas tomber dans les pièges de la sous-interprétation ou de la surinterprétation qui menacent les témoignages.
Novat Nintunze, Burundi 1972. Massacre des Tutsis dans le Sud. Souvenirs et Témoignage, Bujumbura, Éditions Iwacu, 2019, 212 pages.
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[1] Au sujet de la répétition comme facteur caractéristique des témoignages et des récits de mémoires, voir Jan Vansina. Oral Tradition: a Study in Historical Methodology. Translated. by H.M. Wright. Chicago: Aldine Publishing, 1965, pages 43- 47
[2] Nous allons l’appeler Burundi 1972
[3] Membres de cet ordre traditionnel comprenant des sages sélectionnés suivant un processus très igoureux qui permettait d’assurer qu’ils étaient imbus des valeurs de justice, d’équite, etc. L’auteur cite pour exemple exemple Ntamuheza (Burundi 1972, pages 124-125)
[4] Les nombres entre parenthèses désignent les numéros des pages de Burundi 1972.
[5] Nonobstant une mention laconique à la page 152. Il est judicieux de relever ici une anecdote. Lors de la présentation de Burundi 1972 (le 19 mai 2019 à Ottawa, Canada), au cours de laquelle l’éditeur s’est permis une blague sur un Tutsi qui a failli perdre la vie dans l’incendie de sa maison où il est retourné en bravant le feu afin de sauver un veau qui restait attaché à l’intérieur. Beaucoup des Tutsi présents dans la salle ont reconnu avoir été dérangés par la réduction de ce geste au rang d’un simple signe du sens d’humour de Novat Nintunze.
[6] Il faudrait y ajouter les partisans du pardon collectif . Cependant, dans notre entendement, pour pouvoir pardonner un meurtre du passé, on a besoin de connaître le meurtrier, mais aussi et surtout le mobile de son crime. Hélas, Burundi 1972 ne fournit pas tellement de cas d’espèces en la matière.
[7] Il est tout aussi judicieux de signaler que la même forme de “magnanimité” sera observée plus tard, d’abord au Burundi en 1993 puis au Rwanda en 1994.
[8] Plus tard en 1993, les précautions seront prises par les tueurs afin d’éviter de tels états d’esprits. Dans la même perspective, on est invité à penser à ces survivants tutsi de Karuzi qui doivent leur survie aux tueries d’octobre 1993, à certains hutu de leur voisinage qui les ont cachés sans rien demander en retour mais qui rentraient chaque soir avec des machettes couvertes de sang
[9] Comme l’indique la Commission d’Enquête des Nations Unies mise sur pied pour faire la lumière des massacres d’octobre 1993, “Que l'on ait dans certains cas laissé la vie sauve à des femmes tutsies peut s'expliquer par le fait qu'au Burundi la femme ne perpétue pas l'ethnie car l'enfant appartient à l'ethnie de son père” (Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport S/1996/682, paragraphe 481)
[10] S’il devait y avoir un “génocide selectif” comme le suggère René Lemarchand dans son entreprise de révision de la réalité du génocide des Tutsi du Burundi, c’est ceci qui en constituerait une illustration par excellence
[11] Un exemple est ce chauffeur qui se promène avec la tête de sa victime, fait que l’on trouve dans plus d’un fragment de ce livre (Burundi 1972, pages 64 et 115)
[12] Il s’agit de Hutsi. Au nom de tous les sangs d’Antoine Kaburahe, Bujumbura : Éditions Iwacu, 2019; dont la présentation a eu lieu au Canada à Ottawa le 19 mai 2019. Alors que le personage principal de Hutsi partage son vécu personnel et celui des membres de sa famille, les détails fournis par Nintunze à travers son livre sont ceux des centaines voire de milliers de ses congénères. Il est cependant possible que l’absence de ce genre de détails dans Hutsi tient d’une volonté de l’auteur de protéger l’identité des personnages; mais toujours est-il que sur base des données disponibles, il s’avère qu’à cet égard, le livre de Novat Nintunze est de loin meilleur que son vis-à-vis .
Pour un échantillon de généalogies dans Burundi 1972, se reporter par exemple aux pages 113, 136.
[13] Pour paraphraser Barbara Harlow, Resistance Literature, 1987, page 102
[14] Op cit, page 112
[15] En référence au test que Vansina suggère pour attester de la crédibilté de textes historiques oraux. Tout en reconnaissant que toutes les sources peuvent etre examinées suivant la méthodologie historique canonique, laquelle devrait, selon Vansina, faire l’objet d’une confrontation intertextuelle si besoin il y a, notamment dans les cas où l’on voudrait établir le degré auquel elles ont été affectées par les pertes de mémoire. Dans sa liste des outils nécessaires à l’évaluation d’un témoignage, Vansina ajoute: “the intentions or lack of intentions behind a testimony, the significance attached to it, its form and the literary category to which it belongs, the method of transmission used, and the manner in which the testimony is delivered.( Jan Vansina, Oral Tradition: a Study in Historical Methodology. Transl. by H.M. Wright. Chicago: Aldine Publishing, 1965, page 47).
[16] Pour les emprunts, il y a par exemple saa sita ou “midi” en Swahili (page 78) qui témoigne sans aucun doute de la préoccupation de Nintunze pour la qualité de la langue écrite. S’agissant des anthroponymes à l’orthographe changeante, on peut citer Rwaje (page107).
Par Emmanuel Nkurunziza,
Toronto, Ontario.
Ce livre de Novat Nintunze témoigne du génocide qui a frappé les Tutsi du Burundi en 1972, en mettant un accent particulier sur le sud du pays. Burundi 1972 ressemble à une série de fragments, mais qui gardent de liens très solides entre eux. Il faut souligner dès le départ que cette structure génère beaucoup de répétitions, chose tout à fait comprehensible puisque la repetition fait partie des caractéristiques du témoignage et de la transmission de la mémoire.[1] Ainsi, comme le livre de Nintunze compte pas moins de douze témoignages oraux, il est normal qu’elle y soit utilisée assez extensivement. Il nous faut mentionner également la diversité des personnages (les victimes comme les auteurs des attrocités) dont se sert l’auteur de Burundi 1972 dans cette contribution à l'écriture de l'histoire du Burundi.
Les Tutsi comme victimes désignées
Eu égard aux victimes, il est essentiel de souligner que ce le livre explique sans équivoque d'où elles tirent ce statut: elles sont la cible du génocide qui visait à effacer les Tutsi de la surface de la terre. Burundi en 1972 Massacre des Tutsis dans le Sud. Souvenirs et Témoignage[2] ne se limite pas cependant à ces victimes désignées, il parle aussi d’une sous-catégorie qui a été ciblée en particulier : celle des Abashingantahe.[3] Le livre montre en outre la nature transfrontalière du génocide contre ce peuple, notamment avec l'exemple des Tutsi de Tanzanie qui ont été tués aux côtés de leurs congénères burundais (152).[4]
Parmi les détails tout aussi significatifs qu’insoupçonnés qui démontrent la victimisation de la communauté, se trouvent le ciblage des vaches et la cruauté qui l’accompagne lors de la tuerie de 1972 (152). Même si l’auteur de Burundi 1972 semble s’être abstenu de développer le lien lyrique entre le peuple tutsi et son bétail, c’est un fait indéniable que dans les tragédies ultérieures, notamment celles d’octobre 1993 et dans les années qui ont suivi, on a observé encore plus de cruauté envers ces animaux qu’une certaine opinion perçoit à tort ou à raison comme symbole de ce groupe social. Pour quiconque connaît la relation entre les Tutsi et les vaches, il est impossible de ne pas noter cette réserve observée dans la discussion de ce symbole presque conventionnel de la «tutsité».[5]
La catégorie de victimes comprend également ce que la terminologie courante appellerait “dommages collatéraux” du génocide tutsi de 1972. Il s’agit de ces membres de l’ethnie hutu qui ont été tués par leurs congénères pour ne pas avoir participé au massacre de leurs voisins tutsi. En effet, depuis le début des tueries, des Hutu ont été tués parce qu'ils avaient refusé de tuer les Tutsi. Fort ironiquement, cependant, il y a des Hutu dans ce groupe bien précis ayant refusé au départ de participer dans la campagne de liquidation des paysans tutsi, qui ont cédé à la pression qu’ils subissaient de la part de leurs congénères, comme s’ils avaient finalement eu doutes quant à la justesse de leur choix, pour finir par prendre une part active dans le massacre (114).
Les tueurs et leurs adjuvants
Il ne peut y avoir de crime sans auteur; ne serait-ce que pour cela, il s’en faut beaucoup parler des assassins et de leurs assistants tels qu’ils se présentent dans Burundi 1972. Une des choses qui sont particulièrement bien présentées dans ce livre est la documentation de l’identité des auteurs des atrocités vieilles de près de cinquante ans; c’est, à n’en point douter, un des principaux apports de ce livre. Il faut noter en passant que cette identification va à l’encontre de la rhétorique actuellement en vogue chez certains groupes qui se veulent amis de la mémoire mais qui encouragent les gens à ne pas mentionner les auteurs des tueries, et encore moins, à faire allusion à la moindre réparation.[6] Bien que cela puisse paraître contraire à la rhétorique du pardon, cet aspect de Burundi 1972 c’est ce qui devrait être considéré comme la clé de voûte de la contribution unique du livre de Nintunze à l’écriture de l’histoire du pays (quod vid). On pourrait peut-être en déduire que la disponibilité de détails sur l'identité des tueurs provient du fait que la plupart d'entre eux étaient des voisins de leurs victimes potentielles ayant survécu. Il persiste une question qui réclame réponse, cependant: pourquoi n’entend-on presque jamais des soi-disant chercheurs sur ce génocide tutsi de 1972, de details sur les auteurs de ces atrocités?
L’attitude des tueurs
Burundi 1972 fournit beaucoup d’informations sur la manière dont les victimes ont été mises à mort. Outre la machette emblématique de cette campagne d’extermination des Tutsi, les autres techniques utilisées incluent l’incinération des victimes avec des feuilles de bananier séchées (106).
Il y aussi des précisions sur le comportement des assassins et sur leur attitude à l’égard des victimes. Le lecteur ne peut pas ne pas noter le déploiement du cynisme dans sa forme la plus avancée. Par exemple, les victimes ont la “faveur ultime” de choisir la forme de leur mise à mort, à savoir, être découpé en morceaux avec une machette ou se voir jeté dans une maison en flammes (160).[7]
Burundi 1972 est également louable pour sa description de l’arrogance des tueurs quand ils menacent les Tutsi. Le livre comporte des exemples d’expressions (codées et non codées) qui témoignent de l’assurance des auteurs dans la profération de la menace à l’encontre des victimes (119-132).
Burundi 1972 dégage deux types d’acteurs qui peuvent être qualifiés à la fois d’auteurs et de victimes. La première catégorie est constituée des dirigeants du mouvement de jeunesse JRR, que certains ouvrages traitant des tueries de 1972 qualifient de pièce centrale de la répression. Le livre de Nintunze révèlecependant que non seulement il y a des régions entières où la direction de la JRR était composée exclusivement de Hutu mais aussi et surtout, que ce sont ces Hutu membres de la JRR qui coordonnaient la campagne d’extermination des Tutsi (122).
Le deuxième groupe est composé de ceux que l’on peut appeler des “objecteurs de conscience.” En effet, Burundi 1972 rend compte de certains Hutu qui ont d'abord hésité à tuer les Tutsi qui étaient soit leurs amis soit de simples connaissances du voisinage immédiat (103). L’on peut se demander néanmoins s’il est approprié de leur attribuer le prestigieux qualificatif de “justes entre les nations”. En effet, s’il est vrai que certains d’entre eux ont sauvé des vies, il n’est pas moins vrai qu’ils ont fini par retourner à l’odieux exercice de massacre d’innocents (153).[8]
Gentillesse envers les femmes tutsi pour masquer un genrecide
L’analyse des acteurs de Burundi 1972 ne saurait être complète si elle n’invite pas le lecteur à se demander pourquoi certaines Tutsi ont été tués pendant que certains d’entre eux étaient préservées au milieu de cette frénésie de tueries. Tout lecteur du livre de Nintunze notera la caractéristique générale de ces massacres: c’est qu’ils sont dirigés d’abord contre les Tutsi pour la simple raison de leur appartenance ethnique. Cependant, nul lecteur avisé ne peut ignorer le fait que des fois, contredisant complètement leur propre mot d’ordre, les tueurs épargnent parfois des femmes en même temps qu’ils réservaient invariablement aux mâles tutsi une mort atroce.
Au final, au lieu d’être un signe de magnanimité, cette sélection est une méthode sure d’annihiler le groupe ciblé. En effet, dans une société aussi patrilinéaire que la burundaise, la pérénité du clan, de l’ethnie, etc. est assurée par le fils et non par la fille car une fois mariée, la femme adopte le clan de la belle-famille.[9] Si cela peut passer pour une forme atténuée de l’ampleur des tueries, ça ne constitue pas moins un génocide du moment que la tuerie vise l’élimination d’une partie d’un groupe social.[10]
Un livre pour se souvenir et dire sa reconnaissance
Comme on pourrait s’y attendre dans toute autobiographie, Burundi 1972 ramène à la surface des souvenirs dont certains sont bons là où d'autres le sont moins. Des fois, l'auteur insiste un peu plus sur certains d’entreux que sur d’autres. À travers son livre, Novat Nintunze exprime sa reconnaissance envers les bienfaiteurs qui ont considérablement contribué à sa réussite surtout au cours de sa jeunesse (36-7). L’auteur se souvient en outre des événements historiques majeurs, en particulier le massacre perpétré par le CNDD-FDD sur des petit-séminaristes à Buta en 1997 où il avait lui-même fait une partie de sa scolarité deux décennies avant la tragédie (50).
Burundi 1972 touche aussi au succès de la vulgarisation de l’idéologie du génocide contre les Tutsi. Nous y découvrons que la violence à l'encontre de ce peuple a non seulement atteint une ampleur sans précédent, mais également, que les auteurs des atrocités ont atteint un niveau de confiance en soi jusqu’alors inégalé: certains n'hésitent pas à se promener avec des parties du corps sectionnées sur leurs victimes.[11] Et c’est sans surprise que cela a laissé des traces dans le mémoire de plussieurs témoins.
Burundi 1972 étale également l’implication de personnalités religieuses dans les tueries. De manière générale, le livre informe le lecteur de la répartition des différents rôles du projet criminel d’élimination des Tutsi, ce qui, à son tour, met la lumière sur les profondeurs abyssales atteintes par l'adhésion à l'idéologie génocidaire. Dans cette même perspective de la participation de personnalités aussi respectées que les prédicateurs de religion, il convient de souligner le rôle particulier joué par les Protestants dans la sensibilisation à l’entreprise génocidaire. Leur implication a eté limitée aux premières étapes, lesquelles nécessitaient un secret absolu pour que le plan ne soit pas découvert par les services de renseignement burundais. Cependant, si on avait choisi les Protestants pour cette mission, c'est à cause de leur sobriété reconnue de tous. En effet, on avait peur que les religieux de l’Église Catholique dite Romaine ne dévoilent le secret après avoir consommé de l’alcool, un produit dont les Protestants s’abstiennent en général. D’après ce livre de Nintunze, même si les prédicateurs catholiques hutu n’avaient pas été mis au courant du plan secret, ce sont eux qui en ont porté le message à la plupart des meurtriers.
Des clichés reproduits
C’est vrai que Novat Nintunze écrit à partir d’un coin du monde où il est supposé ne subir aucune influence direct de la part des autorités en place au Burundi. Il reste tout aussi vrai que son livre est assez influencé par les discours médiatiques et politiques en vogue dans le monde et dans son pays d’origine. Par exemple, Burundi 1972 reflète par moment l’amalgame déjà fort répandu entre les Tutsi et les Ganwa (pages 44, 64, 89). On devrait noter néanmoins que cet amalgame dure depuis des décennies; c’est ce que montre l'histoire contemporaine du Burundi (du moins la petite partie qui est écrite) nonobstant quelques attaques timides menées par quelques critiques et par certains activistes. La position ambiguë qu’on observe dans le livre de Nintunze tiendrait du fait que, dans toutes les violences qu'a connues le Burundi depuis la reconquête de son indépendance en 1962, les Ganwa sont traditionnellement assimilés aux Tutsi et ont donc toujours été tués aux côtés de membres de ce groupe. Cependant, ces derniers jours, beaucoup de descendants de l’aristocratie ganwa répondent plutôt positivement aux solicitations de la classe dirigeante hutu.
Un apport unique
Le principal apport de Burundi 1972 est celui d’avoir comblé le vide laisse par les grands récits sur le génocide tutsi de 1972. Comme leur dénominateur commun est l’inversion des faits (ils présentent la victime tutsi comme le bourreau et vice versa), compte tenu des données factuelles incontrovertibles qu’il présente, le livre de Nintunze constitue un défi de taille à ces écrits en même temps qu’il oblige à la tendance émergeante d’auteurs de témoignages et de leurs critiques, à le prendre désormais en consideration. Ainsi, Burundi 1972 se démarque des autres livres de la “Collection Témoins” d’Iwacu de par les généalogies que l’on y trouve dans ce livre. Si on le compare par exemple à l’autre biographie publiée chez le même éditeur et présentée pour la première fois au même moment et en présence des deux auteurs, on remarque que ce genre de génálogies est presque inexistant dans ce livre de Kaburahe.[12]
La contribution particulière de Burundi 1972 est qu’il ajoute une des pierres qui manquent à l’édifice en érection qu’est l’écriture de l’histoire du Burundi -- et Dieu seul sait à quel point ce dernier a besoin d’être complété. Bien que les récits présentés dans ce livre fassent partie d’une histoire personnelle composée d’événements que l’auteur a vécus principalement dans sa jeunesse, l’expérience contée s’amarre bien à l’histoire nationale, particulièrement en ce qui concerne la discussion et la référence à des faits macrocosmiques.
En tant que livre produit par un Tutsi et qui plaide une cause (celle d’un peuple visé par le génocide de 1972) qui a failli être submergée par les grands récits, Burundi 1972 se classe dans la catégorie des récits de résistance qui présentent des analyses historiques caractéristiques des conditions idéologiques et matérielles dans lesquelles ils ont été produits.[13] En fait, il ne serait pas exagéré de dire qu’en publiant Burundi 1972 Massacres des Tutsis dans le Sud, un livre sorti dans un contexte de «voix contradictoires qui traduisent la manipulation autoritaire[14] », Novat Nintunze a posé un acte de résistance. De même, Burundi 1972 contribue à la documentation de l’histoire des tueries de 1972 en même temps qu’il aide à élucider la situation d’aujourd’hui. De toutes ces données, il devient une référence historique fiable car il passe le test de crédibilité des témoignages.[15]
Un potentiel insoupconné
Le livre de Nintunze est louable pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il va au delà de l’idéalisation du chez-soi que l’on trouve dans biens d’autobiographies, pour brosser un tableau complet de toute la population de Makamba. Le lecteur y apprend que cette dernière ne se classifie pas uniquement par leur appurtenance ethnique; l’affiliation avec telle ou telle autre religion est un facteur important: c’est parmi les Protestants que l’on compte plus de riches.
D’un point de vue linguistique, l’auteur est à féliciter pour son orthographe des toponymes rundi et pour son traitement des emprunts incorporés dans cette langue. Burundi 1972 prend également soin de présenter correctement les mots rundi formés à base d’anthroponymes. C’est un fait connu, en effet, que l’orthographe de ces derniers cause du fil à retordre à plusieurs utilisateurs de cette langue.[16] Pour un livre qui ne traite pas la langue ou à lalittérature rundi, son orthographe ese de loin meilleur que ce que l’on a l’habitude de lire dans autres productions du genre.
En guise de conclusion
Il serait inexact d'affirmer que Burundi 1972 est sans défaut. Le livre comporte quelques erreurs typographiques dont certaines liées à la mise en page mais aussi à la forme de la langue (comme c'est le cas aux pages 183, 196, etc.). La plupart de ces erreurs sont anodines mais il y en a qui pourraient dérouter un lecteur non averti, comme c’est le cas avec l'identification floue de certains des tueurs de 1972.
En dépit de sa qualité globalement très satisfaisante, notamment en ce qui concerne sa référence explicite aux auteurs des atrocités, il reste un nombre non négligeable de faits significatifs que Burundi en 1972 aurait pu couvrir en peu plus en détails. Au sujet de ces derniers, cependant, ce manquement est loin d'être spécifique au livre de Nintunze. On se doit donc d’être juste envers l’auteur et de reconnaître qu’aucun livre d’histoire ne peut être exhaustif sur un sujet aussi délicat que la guerre.
En somme, le livre de Nintunze contribue à l’écriture de l’histoire longtemps déformée du génocide tutsi de 1972. Et de par son contenu, il participe à l’ élucidation de la situation actuelle à la lumière de ce passé qui refuse toujours de passer. Au lecteur de s’assurer de ne pas tomber dans les pièges de la sous-interprétation ou de la surinterprétation qui menacent les témoignages.
Novat Nintunze, Burundi 1972. Massacre des Tutsis dans le Sud. Souvenirs et Témoignage, Bujumbura, Éditions Iwacu, 2019, 212 pages.
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[1] Au sujet de la répétition comme facteur caractéristique des témoignages et des récits de mémoires, voir Jan Vansina. Oral Tradition: a Study in Historical Methodology. Translated. by H.M. Wright. Chicago: Aldine Publishing, 1965, pages 43- 47
[2] Nous allons l’appeler Burundi 1972
[3] Membres de cet ordre traditionnel comprenant des sages sélectionnés suivant un processus très igoureux qui permettait d’assurer qu’ils étaient imbus des valeurs de justice, d’équite, etc. L’auteur cite pour exemple exemple Ntamuheza (Burundi 1972, pages 124-125)
[4] Les nombres entre parenthèses désignent les numéros des pages de Burundi 1972.
[5] Nonobstant une mention laconique à la page 152. Il est judicieux de relever ici une anecdote. Lors de la présentation de Burundi 1972 (le 19 mai 2019 à Ottawa, Canada), au cours de laquelle l’éditeur s’est permis une blague sur un Tutsi qui a failli perdre la vie dans l’incendie de sa maison où il est retourné en bravant le feu afin de sauver un veau qui restait attaché à l’intérieur. Beaucoup des Tutsi présents dans la salle ont reconnu avoir été dérangés par la réduction de ce geste au rang d’un simple signe du sens d’humour de Novat Nintunze.
[6] Il faudrait y ajouter les partisans du pardon collectif . Cependant, dans notre entendement, pour pouvoir pardonner un meurtre du passé, on a besoin de connaître le meurtrier, mais aussi et surtout le mobile de son crime. Hélas, Burundi 1972 ne fournit pas tellement de cas d’espèces en la matière.
[7] Il est tout aussi judicieux de signaler que la même forme de “magnanimité” sera observée plus tard, d’abord au Burundi en 1993 puis au Rwanda en 1994.
[8] Plus tard en 1993, les précautions seront prises par les tueurs afin d’éviter de tels états d’esprits. Dans la même perspective, on est invité à penser à ces survivants tutsi de Karuzi qui doivent leur survie aux tueries d’octobre 1993, à certains hutu de leur voisinage qui les ont cachés sans rien demander en retour mais qui rentraient chaque soir avec des machettes couvertes de sang
[9] Comme l’indique la Commission d’Enquête des Nations Unies mise sur pied pour faire la lumière des massacres d’octobre 1993, “Que l'on ait dans certains cas laissé la vie sauve à des femmes tutsies peut s'expliquer par le fait qu'au Burundi la femme ne perpétue pas l'ethnie car l'enfant appartient à l'ethnie de son père” (Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport S/1996/682, paragraphe 481)
[10] S’il devait y avoir un “génocide selectif” comme le suggère René Lemarchand dans son entreprise de révision de la réalité du génocide des Tutsi du Burundi, c’est ceci qui en constituerait une illustration par excellence
[11] Un exemple est ce chauffeur qui se promène avec la tête de sa victime, fait que l’on trouve dans plus d’un fragment de ce livre (Burundi 1972, pages 64 et 115)
[12] Il s’agit de Hutsi. Au nom de tous les sangs d’Antoine Kaburahe, Bujumbura : Éditions Iwacu, 2019; dont la présentation a eu lieu au Canada à Ottawa le 19 mai 2019. Alors que le personage principal de Hutsi partage son vécu personnel et celui des membres de sa famille, les détails fournis par Nintunze à travers son livre sont ceux des centaines voire de milliers de ses congénères. Il est cependant possible que l’absence de ce genre de détails dans Hutsi tient d’une volonté de l’auteur de protéger l’identité des personnages; mais toujours est-il que sur base des données disponibles, il s’avère qu’à cet égard, le livre de Novat Nintunze est de loin meilleur que son vis-à-vis .
Pour un échantillon de généalogies dans Burundi 1972, se reporter par exemple aux pages 113, 136.
[13] Pour paraphraser Barbara Harlow, Resistance Literature, 1987, page 102
[14] Op cit, page 112
[15] En référence au test que Vansina suggère pour attester de la crédibilté de textes historiques oraux. Tout en reconnaissant que toutes les sources peuvent etre examinées suivant la méthodologie historique canonique, laquelle devrait, selon Vansina, faire l’objet d’une confrontation intertextuelle si besoin il y a, notamment dans les cas où l’on voudrait établir le degré auquel elles ont été affectées par les pertes de mémoire. Dans sa liste des outils nécessaires à l’évaluation d’un témoignage, Vansina ajoute: “the intentions or lack of intentions behind a testimony, the significance attached to it, its form and the literary category to which it belongs, the method of transmission used, and the manner in which the testimony is delivered.( Jan Vansina, Oral Tradition: a Study in Historical Methodology. Transl. by H.M. Wright. Chicago: Aldine Publishing, 1965, page 47).
[16] Pour les emprunts, il y a par exemple saa sita ou “midi” en Swahili (page 78) qui témoigne sans aucun doute de la préoccupation de Nintunze pour la qualité de la langue écrite. S’agissant des anthroponymes à l’orthographe changeante, on peut citer Rwaje (page107).