REPONSE A MELCHIOR MBONIMPA
Je viens de lire l'article de Melchior Mbonimpa sur le site http://www.arib.info. L'auteur propose un référendum sur le Tribunal Pénal International. Il fait un certain parallélisme avec les faits historiques, le tribunal de Nuremberg par exemple, sans aller vraiment au fond des choses. Connaissant les écrits antérieurs de Mbonimpa, je fais le pari qu'il réserve ses arguments pour une occasion ultérieure, histoire d'attendre que le débat « chauffe » par exemple! J'y reviendrai un jour moi-aussi lorsqu'il consentira à « se mouiller » un peu plus. Cela étant, le débat est là; il mérite que l'on s'y intéresse.
Mbonimpa pose une question et y répond lui-même par une réponse à moitié vraie. Je lui accorde donc volontiers que le tribunal profitera aux juges, témoins experts, avocats et autres enquêteurs pour reprendre ses propres mots. Encore faut-il ajouter, puisqu'il parle de profiteurs, qu'une kyrielle d'individus – la communauté internationale comme on les appelle chez nous – profite bien de la crise depuis son éclatement jusqu'à ce jour. Ils dépensent déjà sans compter, en oubliant toutefois de préciser que ce sont les générations futures – celles qui n'ont rien à voir avoir la querelle politicienne du moment – qui vont payer la facture. Et puisqu'il habite en occident depuis des années, il sait aussi bien que moi que ceux qui s'activent à nous réanimer chez nous ne sont pas généralement parmi les meilleurs chez eux. Ceci pour dire que tous les prétextes sont bons pour rester le plus longtemps possible et profiter davantage. Laissons donc de côté l'intérêt pécuniaire. On y peut rien pour le moment. On pourrait d'ailleurs se poser la même question dans les mêmes termes, en orientant le débat dans l'autre sens, celui de la justice. J'ai même le choix de la reformuler autrement : à qui profiterai l'impunité? La réponse me semble évidente.
Si je penche personnellement pour un tribunal pénal international, c'est pour éviter que ceux que Mbonimpa qualifie si bien de « massacreurs » ne puissent plus s'en tirer au gré des immunités et autres subterfuges politico-judiciaires qui les exonèrent des forfaits dont ils sont les seuls responsables. C'est aussi pour éviter cette globalisation outrancière qui fait que le crime commis par des individus nommément identifiables soit mis sur le dos de toute une communauté. Qui n'a pas entendu « l'autre » sortir le coup massue « vous avez tué Ndadaye …vous avez commis le génocide» alors que « l'autre » en face ne connaît ni Ndadaye, encore moins ceux qui l'ont tué ou qui ont massacré leurs compatriotes (après la mort de Ndadaye) avec qui ils partageaient pourtant la même misère sur la colline? Pour une fois que les responsabilités individuelles (et organisationnelles, cela dit en passant) seraient établies, le petit peuple comme dit Mbonimpa n'en sortirait que gagnant. Faut-il faire remarquer aussi que, jusque récemment avant l'élargissement des prisonniers dits politiques, seuls les petits exécutants étaient en prison? Pourtant des noms connus pour avoir trempé dans les différentes tragédies sont régullièrement élevés au rang d'honorables et vénérables. Des qualificatifs qui, dans les oreilles de burundais de bonne foi, donnent la nausée. Voilà une autre inégalité de justice qu'il faut corriger.
Je laisse de côté qu'en matière de génocide la tenue d'un référendum équivaut au négationnisme, un mot qui semble choquer Melchior Mbonimpa. Au demeurant, je lui ferais remarquer qu'un référendum perdu pour les tenants d'un tribunal pénal international équivaudrait au déni de justice pour l'autre partie de burundais qui rêvent que justice soit faite, avec réparation tant qu'à faire. Dans ce cas, il serait difficile de les convaincre qu'ils ont perdu et rien n'exclurait qu'ils cherchent à se faire justice eux-mêmes, avec pour conséquence de raviver le cycle de violence! Ce n'est pas de ce Burundi là qu'on veut léguer à nos enfants.
De même, M. Mbonimpa, expert en sociologie et professeur d'université n'ignore pas que même en démocratie, surtout en démocratie, plusieurs questions de société ne peuvent pas faire l'objet de référendum. Pour donner un exemple d'actualité au Canada, son pays d'adoption, la question de mariage homosexuel a été discutée abondamment dans la société canadienne jusque dans les institutions de ce pays. Il est connu que la majorité de la population canadienne est d'obédience judéo-chrétienne, donc forcément contre la légalisation du mariage homosexuel. Pourtant, le gouvernement a légiféré et la Cour Suprême lui a donné raison. Il s'agit ici d'une question qui oppose la majorité hétérosexuelle et la minorité homosexuelle où tout référendum serait perdu d'avance pour cette dernière.
Il en est de même au Burundi. Je n'insinue pas – loin de moi – que la majorité des burundais seraient des criminels. Par contre, dans ce pays où les crimes se commettent depuis quatre décennies, où les criminels se vautrent impunément au pouvoir parfois même sous une fausse démocratie, où des solidarités négatives interethniques se sont tissées depuis des années sans que les individus sachent vraiment faire la part des choses, seul un tribunal pénal international totalement indépendant est capable de réconcilier les burundais.
Jean Ntakabaragama
( ntakabaragama@yahoo.fr)
Mbonimpa pose une question et y répond lui-même par une réponse à moitié vraie. Je lui accorde donc volontiers que le tribunal profitera aux juges, témoins experts, avocats et autres enquêteurs pour reprendre ses propres mots. Encore faut-il ajouter, puisqu'il parle de profiteurs, qu'une kyrielle d'individus – la communauté internationale comme on les appelle chez nous – profite bien de la crise depuis son éclatement jusqu'à ce jour. Ils dépensent déjà sans compter, en oubliant toutefois de préciser que ce sont les générations futures – celles qui n'ont rien à voir avoir la querelle politicienne du moment – qui vont payer la facture. Et puisqu'il habite en occident depuis des années, il sait aussi bien que moi que ceux qui s'activent à nous réanimer chez nous ne sont pas généralement parmi les meilleurs chez eux. Ceci pour dire que tous les prétextes sont bons pour rester le plus longtemps possible et profiter davantage. Laissons donc de côté l'intérêt pécuniaire. On y peut rien pour le moment. On pourrait d'ailleurs se poser la même question dans les mêmes termes, en orientant le débat dans l'autre sens, celui de la justice. J'ai même le choix de la reformuler autrement : à qui profiterai l'impunité? La réponse me semble évidente.
Si je penche personnellement pour un tribunal pénal international, c'est pour éviter que ceux que Mbonimpa qualifie si bien de « massacreurs » ne puissent plus s'en tirer au gré des immunités et autres subterfuges politico-judiciaires qui les exonèrent des forfaits dont ils sont les seuls responsables. C'est aussi pour éviter cette globalisation outrancière qui fait que le crime commis par des individus nommément identifiables soit mis sur le dos de toute une communauté. Qui n'a pas entendu « l'autre » sortir le coup massue « vous avez tué Ndadaye …vous avez commis le génocide» alors que « l'autre » en face ne connaît ni Ndadaye, encore moins ceux qui l'ont tué ou qui ont massacré leurs compatriotes (après la mort de Ndadaye) avec qui ils partageaient pourtant la même misère sur la colline? Pour une fois que les responsabilités individuelles (et organisationnelles, cela dit en passant) seraient établies, le petit peuple comme dit Mbonimpa n'en sortirait que gagnant. Faut-il faire remarquer aussi que, jusque récemment avant l'élargissement des prisonniers dits politiques, seuls les petits exécutants étaient en prison? Pourtant des noms connus pour avoir trempé dans les différentes tragédies sont régullièrement élevés au rang d'honorables et vénérables. Des qualificatifs qui, dans les oreilles de burundais de bonne foi, donnent la nausée. Voilà une autre inégalité de justice qu'il faut corriger.
Je laisse de côté qu'en matière de génocide la tenue d'un référendum équivaut au négationnisme, un mot qui semble choquer Melchior Mbonimpa. Au demeurant, je lui ferais remarquer qu'un référendum perdu pour les tenants d'un tribunal pénal international équivaudrait au déni de justice pour l'autre partie de burundais qui rêvent que justice soit faite, avec réparation tant qu'à faire. Dans ce cas, il serait difficile de les convaincre qu'ils ont perdu et rien n'exclurait qu'ils cherchent à se faire justice eux-mêmes, avec pour conséquence de raviver le cycle de violence! Ce n'est pas de ce Burundi là qu'on veut léguer à nos enfants.
De même, M. Mbonimpa, expert en sociologie et professeur d'université n'ignore pas que même en démocratie, surtout en démocratie, plusieurs questions de société ne peuvent pas faire l'objet de référendum. Pour donner un exemple d'actualité au Canada, son pays d'adoption, la question de mariage homosexuel a été discutée abondamment dans la société canadienne jusque dans les institutions de ce pays. Il est connu que la majorité de la population canadienne est d'obédience judéo-chrétienne, donc forcément contre la légalisation du mariage homosexuel. Pourtant, le gouvernement a légiféré et la Cour Suprême lui a donné raison. Il s'agit ici d'une question qui oppose la majorité hétérosexuelle et la minorité homosexuelle où tout référendum serait perdu d'avance pour cette dernière.
Il en est de même au Burundi. Je n'insinue pas – loin de moi – que la majorité des burundais seraient des criminels. Par contre, dans ce pays où les crimes se commettent depuis quatre décennies, où les criminels se vautrent impunément au pouvoir parfois même sous une fausse démocratie, où des solidarités négatives interethniques se sont tissées depuis des années sans que les individus sachent vraiment faire la part des choses, seul un tribunal pénal international totalement indépendant est capable de réconcilier les burundais.
Jean Ntakabaragama
( ntakabaragama@yahoo.fr)